L’assurance vie reste le placement préféré des Français : souple, transmissible et fiscalement avantageuse.
Mais à l’automne 2024, un amendement parlementaire a semé le trouble. Déposé dans le cadre du projet de loi de finances 2025, il visait à soumettre l’assurance vie au régime ordinaire des droits de succession. Autrement dit, à la faire rentrer dans le giron fiscal commun.
L’amendement a finalement été rejeté, mais il a franchi le seuil de l’Assemblée nationale. Et c’est bien cela que les experts de la finance retiennent : pour la première fois, la majorité a sérieusement envisagé de réformer la fiscalité successorale de l’assurance vie.
Rien n’a changé… pour l’instant. Pourtant, cet épisode marque une inflexion : ce qui paraissait intouchable devient réformable. Et dans un contexte de finances publiques tendues, le sujet pourrait revenir.
Cet article décode ce que l’amendement 2025 proposait, ce que la réglementation actuelle prévoit, et surtout comment anticiper intelligemment une éventuelle réforme pour sécuriser son patrimoine.
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En résumé
Fin 2024, un amendement parlementaire a proposé d’intégrer l’assurance vie dans la succession classique, supprimant les abattements spécifiques.
L’amendement a été rejeté, mais son adoption en commission a relancé le débat sur l’équité successorale.
Le régime fiscal actuel reste inchangé : distinction entre primes versées avant ou après 70 ans.
Les capitaux transmis hors succession conservent leurs abattements : 152 500 € par bénéficiaire (avant 70 ans), 30 500 € global (après 70 ans).
Les épargnants doivent préparer leur patrimoine : clause bénéficiaire, répartition, calendrier des versements, et documentation.
Assurance vie et succession : ce que proposait l’amendement 2025
Ce que la réforme aurait changé en un clin d’oeil
Élément | Régime actuel (2025) | Projet d’amendement Mattei (rejeté) |
Fiscalité applicable | Régime spécifique (articles 990 I et 757 B du CGI) – assurance vie hors succession | Intégration à la succession : taxation selon le lien de parenté |
Abattements | 152 500 € par bénéficiaire (avant 70 ans)30 500 € global (après 70 ans) | Suppression des abattements spécifiques – application du barème successoral classique |
Transmission | Versement direct aux bénéficiaires, sans passage par le notaire | Réintégration à la masse successorale, soumise au partage entre héritiers |
Un projet de réforme radicale
L’amendement n° I-CF598, déposé par le député Jean-Paul Mattei, proposait de supprimer le régime fiscal dérogatoire de l’assurance vie pour les contrats souscrits ou alimentés à compter du 1ᵉʳ janvier 2025.
Son principe : les primes versées après cette date auraient été intégrées dans la base des droits de mutation à titre gratuit (DMTG), comme n’importe quel bien transmis par succession.
Conséquence : les bénéficiaires auraient perdu l’abattement de 152 500 € et subi la fiscalité successorale selon leur lien de parenté avec le défunt.
L’objectif : “rééquilibrer” les successions
L’auteur de l’amendement estimait que l’assurance vie était devenue un outil d’optimisation excessif, permettant d’avantager un héritier sans qu’il soit tenu au rapport successoral.
La réforme visait à restaurer l’égalité entre héritiers réservataires et à accroître le rendement fiscal des successions.
Une mesure rejetée… mais significative
Sous la pression du secteur financier et des associations d’épargnants, le gouvernement a renoncé à intégrer cette mesure dans le texte final.
La Loi de finances 2025 ne modifie donc ni les abattements, ni la fiscalité applicable au décès.
Mais le signal politique est clair : le régime exceptionnel de l’assurance vie est désormais contesté au Parlement, et pourrait revenir dans un futur projet de loi.
La note de Tanguy
“L’amendement de 2025 a provoqué un sursaut salutaire. Les clients les mieux préparés ont ouvert un contrat ou renforcé leurs versements avant 70 ans pour figer les règles actuelles. Dans la pratique, les contrats existants sont presque toujours “grand-périsés” en cas de réforme : agir en période stable, c’est se protéger pour vingt ans.”
Pourquoi l’assurance vie occupe une place à part dans la vie des français ?
En France, l’assurance vie n’est pas seulement un produit d’épargne : c’est une institution patrimoniale. Selon l’Insee, 41,7 % des ménages français détiennent au moins un contrat d’assurance vie. Autrement dit, près d’un foyer sur deux utilise ce support pour préparer la retraite, transmettre un capital ou optimiser la fiscalité de sa succession.
Fin 2024, l’encours total de l’assurance vie atteignait 1 988,8 milliards d’euros, dont 28 % investis en unités de compte, selon le Cercle de l’Épargne. L’ACPR – Banque de France confirme cette tendance : les assureurs ont enregistré une collecte nette positive de 22,8 milliards d’euros en 2024, la plus élevée depuis plus d’une décennie.
Ce volume exceptionnel illustre la confiance durable des Français dans ce véhicule, mais explique aussi pourquoi l’assurance vie est au cœur des débats fiscaux : elle concentre une part considérable du patrimoine national, parfois transmise en dehors des règles successorales classiques.
L’article L132-12 du Code des assurances stipule que le capital ou la rente payable au décès de l’assuré est hors succession, sauf en cas de primes manifestement exagérées. C’est ce principe qui fait de l’assurance vie un instrument unique de transmission patrimoniale, échappant en partie aux règles du Code civil.
Un contrat d’assurance vie repose sur trois acteurs clés :
le souscripteur-assuré, qui alimente le contrat et dont le décès déclenche le versement ;
un ou plusieurs bénéficiaires désignés, choisis librement ;
un capital valorisé sur des supports d’investissement (fonds en euros, unités de compte, supports immobiliers).
En cas de décès, les capitaux sont directement versés aux bénéficiaires désignés, sans passage par le notaire ni intégration à la masse successorale. C’est cette indépendance juridique vis-à-vis de la succession, conjuguée à une fiscalité spécifique avantageuse, qui confère à l’assurance vie sa place à part dans le patrimoine des Français.
La fiscalité actuelle de l’assurance vie : un régime double
1. Les versements effectués avant 70 ans
Les primes versées avant le 70ᵉ anniversaire du souscripteur relèvent de l’article 990 I du Code général des impôts :
Abattement de 152 500 € par bénéficiaire, tous contrats confondus.
Taxation à 20 % sur la part comprise entre 152 500 € et 700 000 €.
31,25 % au-delà.
Ces seuils s’appliquent aux capitaux transmis au décès, sans distinction de lien familial.
Exemple :
un contrat de 400 000 €, deux bénéficiaires à parts égales. Chacun reçoit 200 000 €.
Après abattement, 47 500 € sont taxés à 20 % → 9 500 € de droits chacun.
2. Les versements effectués après 70 ans
L’article 757 B du CGI prévoit un abattement de 30 500 €, tous bénéficiaires et contrats confondus.
Seule la fraction des primes (hors intérêts) est intégrée à la succession et taxée selon le lien de parenté :
enfants : barème progressif classique ;
neveux/nièces, frères/sœurs, tiers : 55 % ou 60 %.
Les intérêts produits restent totalement exonérés.
Exemple :
Une personne verse 100 000 € après 70 ans.
À son décès, 69 500 € sont soumis aux droits de succession selon la qualité du bénéficiaire.
La note de Tanguy
"Avant 70 ans, chaque versement compte. Les conseillers oublient parfois qu’un simple virement bancaire sans justificatif clair peut compliquer la lecture fiscale au décès. Il faut archiver chaque preuve de versement (relevés, justificatifs d’origine des fonds) : c’est la seule façon d’établir la date réelle de la prime en cas de contrôle ou de litige entre héritiers."
Assurance vie au Luxembourg et succession française
Une assurance vie souscrite au Luxembourg par un résident fiscal français reste soumise au droit français.
Au décès, les capitaux transmis aux bénéficiaires n’entrent pas dans la succession, selon les mêmes règles que pour un contrat français : ils relèvent du régime des articles 990 I et 757 B du Code général des impôts.
La nationalité du contrat n’a donc aucun impact fiscal : c’est la résidence du souscripteur qui détermine la loi applicable.
En cas de future réforme, comme celle évoquée lors du débat de 2025, les contrats étrangers seraient également concernés, sans distinction.
En pratique, le contrat luxembourgeois se distingue surtout par sa sécurité juridique et sa souplesse de gestion, pas par un avantage fiscal.
Clause bénéficiaire : le pivot de la transmission
La rédaction de la clause bénéficiaire conditionne tout.
Elle doit préciser :
les bénéficiaires de premier rang (souvent les enfants),
les bénéficiaires de second rang (“à défaut, mes petits-enfants…”),
et la répartition (en pourcentage ou en valeur).
Une clause mal formulée (“mes héritiers”) peut créer des litiges ou des fiscalités indésirables.
Les conjoints et partenaires de PACS restent totalement exonérés, tandis que les autres bénéficiaires sont soumis au barème précité. Pour aller plus loin sur ce sujet, consultez notre article dédié : Épargne et décès du conjoint : comment organiser la transmission.
La note de Tanguy
“Les clauses standards des assureurs sont rarement adaptées. Pour éviter les conflits, je recommande de faire relire la clause par un notaire : une simple précision (“vivants ou représentés”) évite souvent une répartition contraire à la volonté du souscripteur.”
Quand l’assurance vie peut réintégrer la succession
Bien qu’elle soit hors succession, trois situations principales entraînent une réintégration partielle :
Absence de bénéficiaire désigné → le capital rejoint l’actif successoral.
Primes manifestement exagérées → réintégration décidée par le juge, appréciée selon l’âge, le patrimoine et l’utilité du contrat.
Erreur ou ambiguïté de clause → blocage temporaire des fonds jusqu’à décision notariale.
La jurisprudence (Cass. civ. 1ʳᵉ, 6 avr. 2022) montre que les juges contrôlent de plus en plus la proportion des primes par rapport aux ressources du défunt.
Ce que révèle le débat de 2025 (et ce qu’il annonce pour 2026)
Le rejet de l’amendement dit “Mattei” n’a rien d’anodin : il révèle une tension croissante entre équité fiscale et stabilité patrimoniale.
D’un côté, l’assurance vie concentre des avantages fiscaux considérables ; de l’autre, elle représente une part majeure du patrimoine financier français, plus de 1 980 milliards d’euros d’encours fin 2024 selon la Banque de France et soutient directement le financement de l’économie réelle.
Ce débat a révélé deux visions de la transmission :
celle des parlementaires qui souhaitent aligner l’assurance vie sur le droit commun des successions ;
celle des professionnels du patrimoine, attachés à la spécificité civile et fiscale du contrat comme outil de prévoyance et de stabilité de long terme.
Plusieurs pistes ont été évoquées dans les discussions parlementaires :
abaisser l’abattement de 152 500 € applicable aux primes versées avant 70 ans ;
intégrer les nouveaux contrats dans la masse successorale à compter d’une date future ;
ou moduler la taxation selon le lien de parenté entre le défunt et le bénéficiaire.
Si aucune de ces mesures n’a été retenue pour 2025, le principe d’une réforme future est désormais sur la table.
Le ministère de l’Économie a annoncé pour 2026 un réexamen global de la fiscalité successorale, dans l’objectif affiché de simplifier et harmoniser les abattements.
Cette réflexion pourrait, à terme, concerner certains dispositifs dérogatoires, parmi lesquels l’assurance vie dans la transmission patrimoniale française.
En clair : le cadre fiscal reste favorable, mais son caractère dérogatoire n’est plus garanti à long terme.
La note de Tanguy
“Quand un texte franchit l’Assemblée, il revient toujours. L’histoire fiscale le prouve : ISF, IFI, pacte Dutreil…
Mon conseil : agir pendant la fenêtre de stabilité. Les contrats signés aujourd’hui resteront régis par les règles actuelles, même en cas de réforme.”
Préparer son patrimoine : anticiper sans attendre
Les débats parlementaires de 2025 ont montré que la fiscalité de l’assurance vie n’est plus intouchable en cas de succession. Sans précipitation, il est temps de sécuriser les avantages existants.
Les contrats ouverts ou alimentés avant toute réforme gardent en général leur régime fiscal d’origine. Mieux vaut donc :
verser avant 70 ans, pour bénéficier de l’abattement de 152 500 € ;
mettre à jour la clause bénéficiaire après chaque changement familial ;
et archiver les preuves de versement pour garantir la traçabilité.
Ces gestes simples figent les avantages actuels tout en préparant la transmission future.
Conclusion
L’amendement Mattei de 2025 n’a pas modifié la fiscalité de l’assurance vie lors d’une succession, mais il a ouvert une brèche.
Le signal est clair : les pouvoirs publics regardent désormais la fiscalité successorale de l’assurance vie comme une source potentielle de recettes.
Préparer son patrimoine, c’est donc :
sécuriser ses contrats existants,
anticiper ses versements avant les seuils d’âge,
et maintenir à jour sa clause bénéficiaire.
Prenez rendez-vous avec un conseiller Rivaria Capital pour auditer vos contrats et bâtir une stratégie patrimoniale résiliente face aux futures évolutions législatives.
FAQ
Est-ce qu’on paye des droits de succession sur une assurance vie ?
Non, sauf cas particuliers. L’assurance vie est hors succession et suit un régime fiscal spécifique (articles 990 I et 757 B du CGI).
Est-ce que l’héritage d’une assurance vie est imposable ?
Oui, mais avec des abattements : 152 500 € par bénéficiaire avant 70 ans, 30 500 € global après 70 ans.
Est-ce que l’héritage d’une assurance vie passe par le notaire ?
Non, sauf si la clause bénéficiaire est absente, ambiguë ou contestée.
Que change-t-il pour l’assurance vie en 2025 ?
Aucune réforme votée. L’amendement de 2024 a été rejeté, mais une réflexion est annoncée pour 2026.
Quel est le montant maximum d’une assurance vie sans droit de succession ?
Jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire pour les versements avant 70 ans.
Pourquoi les notaires demandent-ils les assurances vie ?
Pour vérifier s’il existe des primes exagérées à réintégrer dans la succession.
Conseiller en investissements
Passionné par l’investissement, j’ai été formé comme Ingénieur en Finance avant de devenir Conseiller en Gestion de Patrimoine.
Depuis plus de 5 ans, j’accompagne des particuliers à construire un patrimoine réellement aligné avec leur situation, leurs objectifs et leur manière de vivre.
Je suis convaincu d’une chose : un bon conseil financier doit être compréhensible, sur-mesure… et toujours guidé par l’intérêt du client, pas celui du produit.





